"A chaque respiration, tu te racontes une histoire". Ainsi commence l'atelier de Patrick Acogny.
Breton
sénégalais né d'une mère béninoise, Patrick Acogny se réalise au
travers de nombreux projets menés sur les deux continents. Co-directeur
de la prestigieuse École des Sables à Dakar, auprès de sa mère Germaine
Acogny, il intervient également comme chorégraphe, pédagogue et
chercheur partout dans le monde.
C'est
dans une salle du Fitheb, très haute de plafond, que Patrick anime son
atelier depuis lundi. Une dizaine de danseurs parcourent l'air ventilé à
la recherche de mouvements intérieurs. "On a quatre danseurs du ballet
qui ne sont pas habitués à ce type d'atelier" me dit Patrick. "C'est au
bout de quelques jours qu'ils commencent par retrouver des odeurs, des
couleurs…"
Assise
dans un fauteuil de velours rouge poussiéreux au fond de la salle,
j'observe. J'observe et commence par poser aussi des odeurs et des
couleurs sur ma feuille de papier. Je pose le décor comme Patrick pose
un regard technique sur ses danseurs venus ici apprendre, pousser leur
démarche ou se perfectionner.
Puis, dans une installation personnelle composée de six objets, chaque danseur est amené à créer une danse.
"Regardez
tout cet espace ! C'est une installation, c'est votre travail ! Cet
espace, cette installation, vous allez l'occuper par la danse."
Caroline, la seule occidentale du groupe, a apporté un carnet de voyage,
un passeport, un appareil photo, une pellicule, sa paire de lunette et
une chainette en argent. Parmi les autres objets jonchant le sol : un
ordinateur, une toile peinte, une petite marmite, des bouts de tissus,
une moustiquaire, un parapluie jaune.
Les danseurs ont vingt minutes pour réfléchir à une phrase chorégraphique.
Le silence est très présent. J'entends chaque respiration, frottement de peau, glissement de corps, réflexions intérieures.
L'après-midi
est consacré au travail de recherche et de chorégraphie sur la
déconstruction des danses traditionnelles vers un langage
contemporain."Vous allez maintenant écrire votre carte d'identité :
votre nom, prénom, date et lieu de naissance. Tout cela dans l'espace.
Faites-moi de belles calligraphies. Je ne veux voir que des mots
partout. Dans l'air, le sol. Utilisez tout ce que vous pouvez pour
rendre le mouvement intéressant : la respiration, les niveaux… Vous avez
vingt minutes !"
A
la fin de l'atelier, Patrick avec beaucoup de pédagogie et sensibilité,
oriente les danseurs à partir des pistes développées par chacun. Chacun
repartira avec un langage dansé autre que celui avec lequel il était
arrivé.
(mon dessin, lui, est terminé)
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